1) La clientèle
Cour de cassation chambre commerciale 7 avril 2009 N° de pourvoi: 08-10996
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 octobre 2007), que la société Aven Armand (la société) qui exploite la grotte du même nom depuis de longues années, a consenti successivement plusieurs contrats de location-gérance portant sur le fonds de commerce de débit de boissons-vente de souvenirs implanté sur le site aux membres de la même famille dont le dernier à M. Y... ; que ce dernier s'étant maintenu dans les lieux au terme du contrat, la société l'a assigné en restitution du fonds de commerce et M. Y... en a revendiqué la propriété et a demandé la requalification du contrat en bail commercial ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la société était propriétaire du fonds de commerce et d'avoir rejeté sa demande de requalification du contrat et prononcé son expulsion du fonds de commerce alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au propriétaire bailleur de justifier qu'il répond aux conditions prévues par la loi pour la conclusion d'un contrat de location-gérance, tant au regard de sa propriété du fonds de commerce, de l'existence d'une clientèle propre et préexistante à la location que de l'exploitation personnelle du fonds pendant deux ans, si bien qu'en jugeant que le locataire gérant ne rapportait pas lui-même la preuve de la propriété du fonds de commerce revendiqué, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du code civil, ensemble les articles L. 145-1 et L. 144-3 du code de commerce ;
2°/ que le statut des baux commerciaux est applicable, nonobstant la qualification que les parties ont donné au contrat, à tout local stable et permanent, disposant d'une clientèle personnelle et régulière, d'une activité propre et jouissant d'une autonomie de gestion si bien qu'en statuant de la sorte sans rechercher si le fonds de commerce à usage de bar restauration, exploité et développé par M. Y..., seul titulaire de la licence IV, se caractérisait tant par une clientèle propre, que par l'absence de toutes contraintes dans l'exercice de l'activité commerciale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale au regard de l'article L. 145-1 du code de commerce ; …
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que la société constituée pour l'exploitation de la grotte avait prévu dès l'origine la création d'un débit de boissons et que le local était implanté dans le périmètre du site à un passage obligé des nombreux touristes visitant la grotte qui est située dans un lieu isolé, éloigné de toute zone d'habitation d'une quelconque importance et constaté que seule la renommée du site apportait une clientèle conséquente au bar-magasin de souvenirs dont les horaires d'ouverture étaient liés à ceux de la grotte et l'activité interrompue lors de sa fermeture annuelle, l'arrêt retient que la société a créé ce fonds de commerce dont la clientèle préexistait à la conclusion du contrat de location-gérance ; qu'ayant ainsi fait ressortir, sans inverser la charge de la preuve ni dénaturer les termes du litige, que M. Y... qui n' avait pas de clientèle propre et indépendante de celle de la grotte, ne démontrait pas être le véritable propriétaire du fonds de commerce revendiqué, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
…
D'où, il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi …
2) L'ENSEIGNE
Le Régent, un nom que tout le monde ne peut plus utiliser à Bordeaux.
Par Elsa Verbrugghe, Juriste
http://www.village-justice.com/articles/REGENT-monde-utiliser-Bordeaux,13443.html
|
Le café « Le Régent » était situé place Gambetta depuis la fin du 19ème siècle. À la suite d’un incendie en 1991, les exploitants ont résilié le bail et se sont installés, quelques centaines de mètres plus loin, place de la Comédie où ils ont ouvert un établissement sous l’enseigne « Café Le Régent ».
Or, quand le café de la place Gambetta a rouvert en 1994, après les travaux de réfection, il a eu la mauvaise surprise de découvrir que son nom était utilisé à l’autre bout du Cours de l’Intendance. Les propriétaires de la place Gambetta ont alors assigné ceux de la place de la Comédie en concurrence déloyale afin de faire interdire l’usage de leur nom.
La Cour d’Appel de Bordeaux a débouté les usagers historiques du nom « le Régent » car au moment de l’incendie, le fonds de commerce avait disparu avec tous ses éléments : l’enseigne et la clientèle.
N’ayant pas déposé la marque « Le Régent », l’utilisateur antérieur du nom n’a rien pu faire pour protéger celui-ci !
CA Bordeaux, 24 février 2010
3) L'exploitation du fonds de commerce
Cour de cassation chambre commerciale 29 janvier 2013 N° de pourvoi: 11-28690
Vu les articles L. 144-1 du code de commerce et 1131 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que prétendant que le fonds de commerce qui leur avait été donné en location-gérance par la société La Burdigalaise avait disparu lors de la conclusion du contrat, M. et Mme X... ont fait assigner cette société pour en obtenir la nullité ;
Attendu que pour dire nul le contrat de location-gérance faute d'objet, l'arrêt relève qu'à la date de sa signature, l'exploitation du fonds avait cessé depuis 22 mois, avait été reprise par M. et Mme X... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait par ailleurs que M. et Mme X... avaient exercé dans les lieux, pendant 10 mois, une activité commerciale leur ayant permis de réaliser un chiffre d'affaires de 170 303 euros, ce dont il résultait, en l'état de ce chiffre d'affaires, qui n'était pas symbolique, que le fonds de commerce, dont la cessation temporaire d'exploitation n'impliquait pas en elle-même la disparition de la clientèle, existait toujours lorsqu'il leur avait été donné en location-gérance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée
4-1) La cession du fonds de commerce
Cass. civ., 1re ch., 9 juillet 2015, n° 14-17051
Le propriétaire d’un fonds de commerce peut-il être protégé en cas de démarchage ?
Le propriétaire d’une pharmacie mandate une société pour vendre son fonds de commerce. Suite à la vente du bien, la société assigne la commerçante en paiement de la rémunération convenue dans le contrat de mandat. Pour se défendre, la commerçante estime être protégée par les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile. En effet, cette dernière a confié la vente de son fonds à un agent immobilier qui, lors de la signature du mandat à domicile, a omis de lui remettre le formulaire détachable de rétractation. De plus, cet agent n’a pas respecté le délai de 7 jours à compter de la conclusion du mandat pour entreprendre des diligences. Les juges rejettent ces arguments : pour un commerçant, la vente de son fonds de commerce est en rapport direct avec son activité, de sorte que l’opération est exclue des principes de démarchage à domicile. Sous l’empire de la loi consommation de 2014, le propriétaire du fonds aurait aujourd’hui pu bénéficier des dispositions protectrices induites par le démarchage à domicile. En effet, si la vente du fonds de commerce n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que celui-ci n’emploie pas plus de 5 salariés, ce dernier est alors considéré comme un consommateur qu’il faut protéger (c. consom. art. L. 121-16-1, III).
4-2) La validité du contrat de cession
Un fonds de commerce de café hôtel restaurant est vendu. Dans l'acte de vente, il est précisé qu'à la connaissance des vendeurs, les locaux sont conformes aux normes en vigueur. Or, quatre mois après la vente, la commission de sécurité émet un avis défavorable à l'exploitation de l'hôtel en l'absence de contrôle des installations électriques.
La Cour de cassation condamne les vendeurs en paiement de dommages et intérêts pour dol aux motifs qu'ils n'ont pas fourni aux acheteurs le rapport établi par la commission de sécurité relatif aux installations électriques et n'ont pas réalisé les travaux prescrits par cette commission. Par conséquent, l'affirmation relative à la conformité de l'installation électrique contenue dans l'acte de vente était mensongère et caractérise le dol.
Cour de cassation, 1ère chambre civile, arrêt du 14 avril 2010, n° 08-20.386
4-3) La Garantie d'éviction
Cour de cassation chambre commerciale 24 mai 2005 N° 02-19704
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2001), que le 2 novembre 1995 la société Etablissements X... Père et fils (société X...) a vendu à …la société Brenntag (l'acquéreur), un fonds de commerce de "fabrication et toutes opérations commerciales relatives aux matières et produits chimiques agricoles et industriels notamment engrais, chaux, amendements, grains et dérivés tourteaux" ; que l'acquéreur, soutenant que M. X... avait violé les obligations résultant du contrat de cession du fonds de commerce, à travers les activités de la société OPF Déco Jardin, a, sur le fondement des articles 1626 et 1628 du Code civil, demandé au tribunal d'interdire à celui-ci et à la société OPF Déco Jardin de commercialiser certains produits et de les condamner à payer des dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... et la société OPF Déco Jardin reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement à indemniser l'acquéreur du préjudice résultant pour ce dernier du non-respect de la garantie d'éviction à laquelle l'acte de cession du fonds de commerce, en date du 2 novembre 1995, lui donnait droit et ordonné à la société OPF Déco Jardin de cesser de commercialiser, jusqu'au 2 novembre 1999, divers produits chimiques agricoles et industriels, sous astreinte de 10 000 francs ou sa contre-valeur en euros par jour et par infraction constatée à partir du quinzième jour suivant le prononcé du jugement, alors, selon le moyen :
1 / que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne nuisent point aux tiers ; que l'obligation de non-concurrence, par laquelle le cédant d'un fonds de commerce est tenu de s'abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé, participant de la garantie du fait personnel, est mise à la charge du vendeur en tant qu'il est partie à l'acte de vente ; qu'en estimant dès lors que la garantie légale d'éviction pesait non seulement sur la société signataire de l'acte de cession mais encore sur son dirigeant social, voire sur d'autres sociétés dans lesquelles ce dernier avait eu des parts, la cour d'appel a violé les articles 1165, 1626 (du Code civil) et 1er de la loi du 17 mars 1909 ;
2 / que, pour justifier de l'opposabilité de l'obligation de garantie non seulement au vendeur, qui en est le débiteur en vertu de la loi, mais encore à des sociétés tierces à l'acte de vente, la cour d'appel a estimé que cette extension était fondée lorsque le dirigeant social de la société cédante "interposait" ces sociétés "pour tenter d'échapper à ses obligations" ; qu'en décidant dès lors de mettre à la charge de la société OPF Déco Jardin, tierce à l'acte de cession, sans avoir constaté, selon le critère retenu, aucune manoeuvre de la part de M. X... de nature à justifier une telle extension, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1626 du Code civil ;
Mais attendu qu'en cas de cession d'un fonds de commerce, la garantie légale d'éviction interdit au vendeur de détourner la clientèle du fonds cédé, et que si le vendeur est une personne morale cette interdiction pèse non seulement sur elle, mais aussi sur son dirigeant ou sur les personnes qu'il pourrait interposer pour échapper à ses obligations ;
Attendu que l'arrêt relève que M. X..., ayant des parts dans toutes les sociétés du groupe X..., avait une parfaite connaissance des engagements qu'il prenait et imposait à ces autres sociétés dans l'acte de cession qu'il a signé en tant que président et directeur général de la société X... ; qu'il relève encore que la société OPF Déco Jardin, dont il est le président et directeur général, avait petit à petit élargi son activité commerciale à la vente de produits similaires à ceux que vendaient l'acquéreur, puis directement concurrents ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, l'arrêt, qui a souverainement retenu l'existence d'un détournement de clientèle par personne interposée, a pu déclarer la société OPF Déco Jardin responsable des activités litigieuses de M. X... ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
4-4) La clause de non concurrence
Un propriétaire d'un fonds de commerce, permettant d'exercer à la fois une activité commerciale de vente au détail de peinture, papiers peints, revêtements de sols et de murs, de fournitures générales pour peintures en gros et demi-gros et une activité artisanale de fourniture de prestations de services, le cède à deux époux.
La clause traditionnelle de non-concurrence de l'acte de vente interdit l'exploitation d'un fonds similaire à celui cédé. Le vendeur poursuit, dans la zone interdite, une activité artisanale de peintre sans magasin de vente.
Les acquéreurs assignent le vendeur en réparation du préjudice subi par la poursuite de cette activité.
La cession telle que décrite dans l'acte de vente concerne expressément non seulement l'activité commerciale de vente, mais aussi l'activité artisanale de prestation de services exercées par le cédant qualifié dans l'acte d'artisan peintre et commerçant. Aucun élément de la clause de non-concurrence, limitée dans le temps et dans l'espace, ne permet d'interpréter cette clause comme autorisant une activité concurrentielle d'artisan par le vendeur s'il n'exerçait pas l'activité de commerçant.
Cass. com. 16 février 2010, n° 08-21749
5 - L'apport du fonds de commerce
Poursuite du bail commercial en cas d’apport d’un fonds de commerce
En cas de fusion de sociétés ou d'apport d'une partie de l'actif d'une société, la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l'apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations résultant de ce bail (c. com. art. L. 145-16, al. 2).
Appliquant cette règle, la Cour de cassation retient que dans le cas où la société preneuse d’un bail commercial fait apport de son fonds de commerce à autre société, cette dernière peut se prévaloir de tous les droits et obligations résultant du bail, dans le bénéfice duquel elle est substituée à la locataire précédente.
Par conséquent, la société bénéficiant de l’apport du fonds de commerce peut se revendiquer l’application d’un acte aux termes duquel le précédent bailleur s'engageait à consentir au précédent preneur un bail commercial portant sur un autre local. Et ce, même s’il n’est pas expressément prévu que les stipulations conventionnelles ont vocation à s'appliquer à de futurs locataires.
Cass. civ. 3ème 9 juillet 2013, n° 12-18028